Oui, tu as raison, avec la volonté affichée d'avoir 50% d'une classe d'âge au niveau bac+3, fatalement, le niveau d'exigence régresse, et donc on peut avoir sa licence, voire son master, avec un niveau de travail au ras des pâquerettes. Bon, c'est ce que je décrivais en début de fil de discussion comme "la voie royale pour être caissier en fast food à la fin de son master", puisqu'à la fin du master les concours d'enseignement de ladite matière ne sont pas offerts, et les bourses de thèse ne seront là que pour les 2/3 premiers de la promo... Alors oui on peut avoir un master en faisant ce que tu décris (au risque de me répéter, cela occulte le fait que beaucoup de gens de fac de lettres viennent de prépa littéraire...), mais bon.
Quant à l'ambiance en salles des professeurs, cela dépend, un peu comme dans le privé, du chef que l'on a. Je connais des tas de bahuts où le chef d'établissement se bouge les fesses, arrive à justifier des financements, des options, des bidules (que ce soit dans un bahut type "centre ville" ou type "banlieue sensible" d'ailleurs, même si le bon chef est encore plus nécessaire dans un bahut de type "banlieue sensible"). Dans ces bahuts, les gens sont contents de travailler. Dans un bahut où, a contrario, le chef met des bâtons dans les roues quand on veut ouvrir une option, ou proposer un accompagnement pour certains élèves, ou refuse les conseils de discipline quand un prof se fait agresser... eh bien oui, quand le chef d'établissement est "mauvais", les profs malheureusement ont tellement peu de pouvoir que c'en est déprimant. Oh, on a le conseil d'administration ? Ok, on vote contre, nouveau conseil d'administration, si on revote contre c'est le chef d'établissement qui impose quand même sa vision.
Si on sentait qu'on avait un réel pouvoir, cela changerait. Pour donner un exemple encore plus concret : pourquoi laisser le choix du redoublement aux parents en primaire au lieu du prof qui les a tous les jours de 8h30 à 17h ? -> sentiment d'impuissance *justifié*
Enfin le métier de prof' est extrêmement décrié en France. Quand tu as moins de salaire que les voisins européens, que les gens passent leur temps à te dire "alors, encore en vacances ?", que tu passes plus de temps à faire la police qu'à enseigner ta matière parce que par ex., comme diraient les fatal picards "on fait des réunions pour décider ce qu'on peut prendre sans risque comme sanction" [c'est-à-dire, vu que les parents vont se mettre à contester les heures de colle, ou que le règlement t'interdit de confisquer les portables utilisés en cours, etc.] eh bien oui c'est un peu déprimant. Mais ça, encore, allez, ok, on passe l'éponge, après tout ça ne touche "que" les profs et pas les gamins.
Ce qui me fout vraiment la rage ? L'inégalité des chances pour les gamins. Les parents du 5ème arrondissement qui déménagent pour être dans la bonne école primaire qui débouche sur le bon collège qui débouche sur Henri IV / Louis le Grand. Le fait que les politiques encouragent le "profil unique" au détriment des classes de niveau, ce qui nivelle par le bas et empêche les plus forts d'atteindre leur meilleur niveau et ce qui empêche également les moins forts d'avoir l'attention qu'ils méritent (parce que ce n'est pas politiquement correct de faire des classes de niveau...) Le fait que les collèges / lycées privés soient financés par du public, pour qu'ils puissent alors avoir des élèves triés et des classes moins chargées ! Mais la blague ! Comme si les meilleurs élèves avaient besoin d'être en effectifs limités... [en prépa on est 45 par classe et aucun problème...]
Voilà, ces choses qui ne changent pas dans notre mammouth et qui pourtant relèvent de l'évidence pour énormément de profs, parce que ces réformes ne sont pas politiquement correctes et/ou ne sont pas en adéquation avec "les nantis" (qui sont influents et qui ont leurs gamins dans les bahuts privés ou huppés, alors faudrait pas leur amoindrir leur part du gâteau), ça ça me fout les jetons. Et savoir que j'ai à peu près zéro prise là dessus, ça me fout vraiment la hargne. Voilà ce dont je me plains en tant que prof : pas de *mes* conditions de travail, comme je l'ai déjà expliqué, pour moi ça va, mais des conditions de travail de certains de mes collègues, et surtout surtout de l'injustice envers les gamins...
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